Un EVJF pas comme les autres

Ce jour-là, j’accompagne un groupe de filles pour un EVJF. La mer est belle, un petit vent nous emporte vers l’île de Ré. Les filles ont envie de se baigner. On s’arrête au large du phare de Chauveau.

Là, un zodiac Orange fonce vers nous. Les mots GENDARMERIE MARITIME peints en blanc se lisent nettement sur les boudins de la vedette rapide. A bord deux gendarmes et une « gendarmette ». Le zodiac nous aborde avec adresse. J’aide deux des trois gendarmes à embarquer.

– Bienvenue à bord !

– Contrôle de gendarmerie !

Pendant ce temps la « gendarmette » reste aux commandes du Zodiac. 

J’entends une de mes passagères chuchoter à sa voisine : « c’est les Chippendales ! ». Je souris intérieurement pendant que j’accompagne les deux gendarmes à l’intérieur du bateau. Ils souhaitent consulter les registres. Je sors le classeur qui contient tous les permis de navigation professionnels, mes diplômes et l’attestation de visite médicale signée par le médecin des gens de mer.

Arrive la question de la sécurité à bord.

_ Disposez-vous de brassières de sécurité pour tous les passagers ?

 J’explique que chacune des filles dispose d’un gilet de sauvetage numéroté et individuellement réglé à la taille de chacune. Elles les ont retirées pour se préparer à aller se baigner. Les brassières sont disposées sur le pont, à leur portée en cas de besoin. 

L’un des deux gendarmes remonte sur le pont pour s’en assurer. Pendant ce temps le gendarme resté avec moi poursuit méthodiquement le contrôle : documents administratifs, extincteurs etc. J’avoue apprécier ces contrôles car je passe beaucoup de temps à préparer le bateau pendant l’hiver. Finalement au bout de vingt minutes le chef de section satisfait de sa visite me serre la main. Il me félicite pour la bonne tenue du bateau, avant de remonter sur le pont pour repartir. 

Je remonte à sa suite et découvre un tableau digne d’une comédie burlesque. La « gendarmette » restée aux commandes du zodiac n’arrive plus à reprendre sa respiration tellement elle rit. Dans ses mains elle tient son téléphone avec lequel elle filme les filles qui jouent à la poupée avec son collègue. Entre deux hoquets de rire je l’entends dire aux filles :

_ Vous avez de la chance vous êtes tombé sur le plus beau gars de la brigade.

A bord de kelone la scène est pittoresque. Coiffé d’un diadème de princesse, le chippendale-gendarme fait des selfies avec les filles. Il s’efforce de sourire pour faire bonne figure. Il est patient mais ne sait pas très bien comment se sortir de là quand même.

Il y a quelque chose de gai et d’heureux à cet instant. Tout semble simple et amusant. La vie est douce. L’une d’entre elle va se marier. Je ne sais plus laquelle. C’est sans importance. Elles sont heureuses. 

Aujourd’hui, au moment où je vous écris ça, je suis seul au bateau. C’est l’hiver ; j’entends la pluie tambouriner sur le panneau de pont du carré. Nous sommes en février. J’ai retrouvé une photo d’elles prise l’été dernier. Ça me rend heureux quand j’y repense. 

En repartant, les filles m’offrent un Polaroïd en me faisant promettre de l’encadrer au bateau. Vous pouvez venir vérifier, c’est chose faite !

Un EVJF pas comme les autres
Février 2024
Bertrand de Rancourt, le capitaine de Kelone