L’écoute à bord de Kelone

Un marin à l'écoute des autres et du silence sur le voilier Kelone La Rochelle
"Il existe des écoles pour apprendre à prendre la parole en public. Il n'en existe pas pour apprendre à se taire."
Logo Kelone La Rochelle
Bertrand de Rancourt
Propriétaire et Skipper du voilier Kelone

Réflexion autour de l'écoute, "understand" en anglais

Understand signifie littéralement : se tenir en dessous. Le dominateur ayant naturellement tendance à se tenir en surplomb de l’autre. Avec ce mot “understand” on visualise facilement la scène : celui qui cherche a comprendre se met en dessous de l’autre avec modestie. Pour comprendre, il commence par écouter.

Renforcer une relation passe peut-être aussi par l’écoute sincère et véritable.

La prise de parole en public et l'écoute respectueuse

Prendre la parole en réunion ressemble bien souvent à une colonisation de la sono. On monte le son. On occupe le terrain. La prise de parole devient un art militaire.
On ironise. De mon point de vue, l’ironie est un savant mélange d’humour dans lequel on a dissimulé une pointe de fer rouillée. Prise de pouvoir de l’espace. Éclats de métal.

Cependant, au fond de nous, sincèrement, nous sommes nombreux à avoir des difficultés à nous exprimer. Avons-nous pour autant moins de valeur que ceux qui parlent ? Devons-nous absolument briller pour exister ?

A mon sens, le bien le plus précieux que nous pourrons partager avec l’humanité toute entière, est l’écoute respectueuse.
C’est je crois très souvent communicatif et en tout cas toujours apaisant. Une porte ouverte à une relation tellement plus riche.

La pratique de l'écoute et la beauté du silence

L’écoute est donc enrichissante, mais très difficile à pratiquer. Personnellement je découvre ce bienfait et tente de le mettre en pratique.

Enfant, j’étais maladivement timide. A l’adolescence, pour ne pas rester en arrière, j’ai pris sur moi pour prendre la parole jusqu’à l’excès. Avec mes copains, l’alcool était là pour ça. Combien sommes-nous dans ce cas à vouloir cacher notre gêne par des paroles trop abondantes jusqu’à l’outrance ?

C’est tellement beau ce qui se produit lorsqu’on écoute. C’est comme en musique. J’ai découvert la difficulté qu’éprouve un chef d’orchestre qui fait jouer un silence à ses musiciens : bien souvent le public se met à applaudir en croyant que c’est fini. L’effet est désastreux. C’est comme une profanation.
Imaginez un mélomane assis quelque part dans la salle. Il fermait les yeux pour savourer cet espace éternel constellé de ses propres rêves. Le pauvre va sursauter sous le tonnerre des applaudissements. Ses voisins vont rire croyant qu’il s’était assoupi. Non ! Il ne dormait pas ! Il écoutait le silence que le chef d’orchestre avait tenté de faire jouer à ses musiciens. Le mélomane n’a plus qu’à attendre que ça passe pour tenter de retrouver le fil conducteur du rêve musical qu’il tente de saisir depuis des mois.

Pourquoi la foule applaudit-elle ? Je crois que c’est sous l’effet de l’émotion. C’est parfois difficile d’accueillir une émotion. On refuse de pleurer, alors on fait du bruit. Le silence est propice aux émotions. Nous sommes très nombreux à avoir peur du silence. Il fait remonter nos émotions les plus fortes. Alors, souvent, submergé par l’émotion on tape des pieds ON FAIT DU BRUIT pour ne plus entendre nos émotions.
Il en va de même pour la parole et le silence.

Le poids des silences

Les silences de celui qui parle font partie intégrante de sa parole. Sa parole est tellement fragile. Elle n’appartient qu’à lui. Ses silences lui appartiennent également. Ses silences sont parfois des sanglots. Ce sont aussi parfois des respirations parce qu’il faut du courage pour exprimer une pensée intime.

Souvent j’ai remarqué que c’est au bout de la sixième ou dixième phrase que l’idée la plus importante fait surface. Un peu comme un résumé de la pensée. Une méta-idée qui surgit tardivement grâce à l’écoute silencieuse de l’autre. C’est sur cette base que la relation commence à prendre de l’épaisseur. On va pouvoir bâtir sur cette matière-ci.

Parler c'est oser sortir de sa coquille

Parler c’est oser sortir de sa coquille. L’écoute silencieuse est propice à l’ouverture de la coquille de l’autre.
Couper le silence d’un Autre c’est frapper sur sa coquille qui timidement était en train de s’ouvrir. Aussitôt elle se referme ; L’Autre se mord la langue ; l’Autre se tait pour se protéger de ça.
Couper un silence c’est risquer de peut-être empêcher quelqu’un de dire ce qu’il s’apprêtait à exprimer pour la première fois de sa vie. Sa parole est perdue pour lui ; pour nous aussi.

Les timides, les fragiles, les délicats, les pas-sûr-d’eux-même dont je fais partie perdront confiance. Ils ne parleront plus. Ou pire, ils feront du bruit et claqueront des colères de frustration.

Le culte et le silence

Lorsque je voyage, j’aime entrer dans un lieu de culte. Là, dans le silence, j’ai plaisir à parler mentalement. Avec mon cœur dans le silence sans être interrompu. Dans ces instants, tout me porte à croire que je suis écouté.

Grâce à mes voyages, j’ai visité Notre Dame de Paris mais aussi de petites chapelles orthodoxes perdues dans les îles grecques. J’ai eu cette chance aussi de prier dans une mosquée, une synagogue, un temple protestant. En pleine mer au milieu de l’océan. Seul sous les étoiles. Seul, sans la moindre sensation de solitude. En souriant de bonheur.

Dans la vie ordinaire, personne n'écoute personne

 Tout le monde donne son avis sur tout. On abreuve les autres de conseils mal éclairés. Ce sont par exemple les réunions de famille dans lesquelles il n’y a souvent pas de place au silence bienveillant. On se chamaille, on braille, on bavasse, on s’interpelle, on blague sans cesse pour montrer qu’on existe.

Visualisez un instant ce qui se passe pendant la pause du séminaire-festival-salon-congrès-annuel. « QUI PARLE AVEC QUI » a plus d’importance que ce qu’est en train de me dire L’Autre. L’Autre je l’écoute d’une oreille pendant que des yeux, je cherche les centres de pouvoir qui se déplacent.

Kelone, comme une bulle de bienveillance et d'écoute de l'autre.

A bord de kelone, j’apprends, année après années, à me tenir en dessous. Écouter et servir. Ce n’est pas simple d’apprendre ça. Il faut d’abord désapprendre.
Faire silence, écouter, se tenir en dessous et surtout se taire. Je m’y efforce pour mieux vous accueillir.

Si vous aussi vous voulez expérimenter cette bulle de silence et d’écoute, rendez-vous sur Kelone. Seul(e), entre ami(e)s, entre collègues, cette bulle est apaisante pour tous.

To understand.

Votre Capitaine, Bertrand de Rancourt. Février 2024.

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